Être boucher aujourd’hui qu’est-ce que ça représente pour vous ?
Cela représente la même chose pour moi qu’il y a 35 ans, c’est à dire vendre du plaisir ! Etant d’une nature gourmande, j’ai toujours voulu faire partager mon goût pour la viande. Vendre de la bonne viande, qui a du goût et qu’on a du plaisir à manger. Être boucher va bien au-delà de la découpe ou de la manipulation de la matière première, pour moi il s’agit d’acheter ce que j’estime être beau et bon. Ce que j’ai envie de partager avec mes clients restaurateurs ou particuliers.
Ce côté partage semble essentiel pour vous ?
Oui, parce que ce qui m’intéresse avec mes clients, c’est la relation avant tout. Le loisir d’être ensemble pour échanger, parler de la viande, du plaisir, des bons moments partagés. J’apprécie les échanges très conviviaux qu’offre mon métier, j’aime qu’on me raconte des histoires de saveurs, qu’on me parle des matières premières, des sensations gustatives uniques.
C’est quoi une bonne viande selon vous ?
Une très belle matière première, ma passion. Je suis en permanence à la recherche du bon goût. Au fil des années, la maison Metzger a développé son cahier des charges, ses critères. Ainsi, nous élaborons nos côtes de bœuf, d’agneau, de veau comme si nous sculptions le morceau de viande pour offrir le produit le plus fini possible. Dans l’assiette, seulement l’essentiel : la belle noix de viande et l’os du manche tout simplement. Une matière première optimisée, libérée du superflu qui encombre et pollue la dégustation. Juste la découpe parfaite prête à être sublimée par la gastronomie ou la cuisine.
Sur quelle base choisissez-vous un éleveur ou un autre ?
Eleveurs ou grossistes, ce sont toujours les mêmes critères qui décident. D’abord un terroir, une zone de production qui me garantissent le savoir-faire de la bonne viande. Je ne travaille qu’avec des gens habités par la régularité et le sérieux, des gens qui perpétuent une tradition. Celle du bien-élever, bien nourrir, respecter l’animal à travers toute la filière. J’apprécie ceux qui ont pris le temps de savoir, ceux dont la connaissance a été transmise par les anciens, je respecte la continuité et l’engagement dans le travail.
Qu’est-ce qui caractérise la boucherie à la française ?
Les vraies différences entre le la France et les autres pays se font plus en amont post abattage dans la façon dont sont traités les carcasses et les muscles. Il n’y a pas forcément une boucherie à la française car toutes les régions de France ont leurs us et coutumes. Elles ne sont pas très différentes mais il y a des façons de découper et consommer en fonction de la cuisine locale, des plats régionaux et des goûts des gens. Des viandes plus ou moins maigres, plus ou moins grasses sont appréciées et consommées selon les régions. Ce qui caractérise la boucherie, une fois qu’on a parlé de la qualité de la matière première bien-sûr, c’est surtout le niveau d’élaboration dans la découpe. Comment notre savoir-faire et notre exigence nous permettent de rendre le produit le plus absolu possible pour le client final.
Si vous deviez convaincre un jeune de devenir boucher aujourd’hui que lui diriez-vous ?
J’ai été habité par la passion très jeune, le plaisir de choisir des beaux morceaux, de bien les travailler, d’être toujours dans la notion de partage, être reconnu comme quelqu’un qui apporte quelque chose à la filière… J’ai toujours vu en premier le côté artistique et qualitatif. Comme on peut être cuisinier ou chef étoilé, on peut être boucher de différentes façons, alors je conseillerais à ce jeune de savoir quel type de boucher il souhaite devenir. Savoir travailler des associations de saveurs, comprendre la cuisson, les assaisonnements, je lui dirais qu’à mon sens être boucher de haut niveau dépasse la seule découpe. Il s’agit là de raisonner cuisine et finalité du produit.
Comment voyez-vous votre métier évoluer ?
Nous avons traversé une période difficile où les jeunes se détournaient de notre métier. Un métier exigeant, physique, pas forcément toujours confortable, nous travaillons tôt le matin, dans le froid. Aujourd’hui, je ne crois qu’à la transmission. Nous devons partager notre savoir-faire et nos connaissances avec les jeunes ou l’art d’être boucher se perdra. La grande distribution a pris le pas sur la boucherie de détail à l’ancienne, les jeunes issus de cette filière ont une formation beaucoup plus basique qui les amène à une approche beaucoup plus limitée du métier.
Notre rôle est de transmettre toute la richesse de notre savoir-faire à la fois artisanal et scientifique. Il s’agit de connaître l’animal aussi bien vivant que transformé. L’échange avec les grands chefs est d’une grande richesse à cet égard. Quand un boucher aime manger, qu’il connaît parfaitement la filière du pré à l’assiette, alors là on peut dire qu’on a affaire à un professionnel vraiment complet.